JP Morgan : une baleine en bourse…

Burse_iStock_000008155888XSPar Sophie Stival

On l’appelle la « baleine de Londres » en raison de la grosseur de ses transactions financières. D’autres l’ont surnommé « Voldemort », l’ennemi juré d’Harry Potter. Sa vraie identité : Bruno Iksil.

L’opérateur de marché ou « trader » français est soupçonné d’avoir fait subir plus de 2 milliards de dollars de pertes à JP Morgan Chase.  

Pour la première banque américaine, ce n’est pas la perte elle-même qui fait mal, mais bien la manière dont elle est survenue. Il est ici question d’une stratégie de couverture qui n’a pas fonctionné. 

Si on perd des milliards en affirmant vouloir protéger des actifs, imaginez ce que ça aurait pu être s’il s’agissait de spéculer pour le compte de la banque? C’est à se demander si on ne se cache pas derrière ces stratégies de couverture pour agir plus librement… 

Faut-il le rappeler, dans le cas de JP Morgan Chase la stratégie de couverture a rapidement été qualifiée de spéculative et risquée. Et la réputation de l’institution en a pris pour son rhume. 

Gérer les risques et faire de l’argent

D’après mon expérience des marchés financiers, bien des stratégies de couverture laissent au "trader" une grande marge de manœuvre afin qu’il protège son portefeuille tout en profitant de sa vision du marché. 

En bref, on met en place une stratégie pour protéger le portefeuille, mais on souhaite le faire en ayant la possibilité de réaliser des profits plus importants que la perte engendrée sur les actifs que l’on souhaite protéger. Je sais, c’est tordu et compliqué… 

Tout ce beau monde est rémunéré en fonction des profits et des objectifs souvent trimestriels de son département. On doit donc gérer les risques, mais aussi faire de l’argent. 

On ne fait pas de profits sans prendre de risque. Dans mon ancienne vie, une partie de mon travail consistait à «arbitrager» les marchés de taux d’intérêt en faisant un petit profit dit sans risque. Le gros volume de mes transactions me permettait de faire de bons profits. Mais l’exécution devait être rapide et sans erreur. C’était donc risqué.

Dans les marchés plus pointus, ce risque prend plusieurs noms : risque de marché, risque de change, risque de crédit, risque de liquidité… 

Protection imparfaite

Ingénieurs, docteurs en mathématiques, en génie physique et autres domaines plus complexes transigent sur les marchés financiers souvent à l’aide de modèles mathématiques qu’ils ont parfois eux-mêmes bâtis. 

Ils ou elles ont pour la plupart une opinion sur ce qui est cher ou non. La stratégie de couverture sera souvent déployée en fonction de ce jugement. Dès lors, la protection qu’offre la stratégie est rarement parfaite.  

Quand les choses tournent mal, on s’entête parfois à croire qu’on a raison. On grossit la position. C’est là où la cloche devrait sonner dans le département de contrôle (middle office). Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas…

M. Iksil n’était pas un Jérôme Kerviel. Il agissait en toute légitimité. Il avait l’appui de ses patrons. On le surveillait. Quand on y pense bien, c’est encore plus épeurant…

Depuis la faillite de Lehman Brothers en 2008, les régulateurs financiers, les actionnaires et les déposants ont raison de s’inquiéter.

Si de gros joueurs comme JP Morgan connaissent de tels déboires, quels risques représentent pour l’économie les milliers de fonds spéculatifs toujours en activité un peu partout dans le monde?

Les banques ont un vrai examen de conscience à faire, spécialement dans le domaine des produits dérivés de crédit.

Etes-vous en faveur d'un plus grand contrôle des banques? 

 

9 réflexions sur « JP Morgan : une baleine en bourse… »

  1. « ce n’est pas la perte elle-même qui fait mal, mais bien la manière dont elle est survenue… »
    Taboire Sophie une perte de 2 milliard $ US pis ça même pas l’air grave. Vois-tu c’est ça qui m’agace dans l’attitude des « EXPERTS ». Vous avez perdu la notion des chiffres……………..

  2. @payeur de taxes…
    Je savais bien qu’on me répondrait ça… Tout est relatif. JP Morgan détient des actifs totaux de plus de 2000 milliards de dollars. Le chiffre d’affaires de la première banque américaine dépasse les 100 milliards par an. Entre 2007 et 2008, les profits annuels de l’entreprise ont plongé de 10 milliards de dollars. Ça n’a pas fait grand scandale puisque c’était la crise financière la responsable…
    Cette perte de 2 milliards a fait dégringoler le titre boursier de près de 10 % après son annonce. Pourquoi? Ce n’est pas tant le chiffre absolu de la perte que les raisons de cette perte qui sont en cause. On a pendant plusieurs semaines sous-estimé les agissements du département de Bruno Iksil. En avril, les marchés financiers le surnommaient déjà la baleine de Londres, mais personne à la haute direction n’a cru que ces transactions étaient hors de contrôle.
    Depuis la crise de 2008, la réputation des institutions financières et leur saine gestion passent avant les résultats. C’est ce que je voulais dire en affirmant que ce n’est pas la perte elle-même qui fait si mal… Merci.

  3. Bonjour Mme Stival,
    Croyez-vous qu’il soit possible que des centaines de millions de dollars dorment dans les comptes d’acomptes provisionnels des entreprises canadiennes et ce à l’insu de leurs propriétaires.
    Salutations
    Christian

  4. Ce que j’ai de la difficulté à saisir dans toute cette histoire : on parle d’une perte sur une couverture de position non ? Si ils ont perdu 2 milliards sur une couverture est-ce dire qu’il on engrangé plusieurs milliards sur la position elle-même ? Si tel est le cas pourquoi est-ce qu’il y a une grosse histoire la-dessus ? Est-ce que l’on met une autre tête sur le bûcher alors que le problème en lui-même n’est pas une personne en particulier mais l’enseignement que ces personnes ont reçu ? … De plus, si ils ont perdu 2 milliards, forément certaines personnes se sont enrichi sur les positions inverses non ?
    bonne journée

  5. @Christian Bélanger
    Je ne suis pas une spécialiste des acomptes provisionnels. Les entreprises doivent en verser par souci « de justice » par rapport aux contribuables dont l’impôt est retenu à la source. Je ne suis pas sûre de saisir votre question. Sous-entendez vous qu’un propriétaire qui a versé trop d’acomptes provisionnels ne serait pas remboursé? Les entreprises ont des comptables qui surveillent ce genre de chose. Je ne sais pas si le gouvernement redonne les montants versés en trop, j’imagine que oui. Il faudrait que vous posiez la question à un comptable ou un fiscaliste. Merci.

  6. Bonjour madame Stival, pourriez-vous me répondre en MP, j’aurais quelques questions pour vous ?

  7. @Sébastien
    Une stratégie de couverture souhaite protéger un actif (un investissement), car on craint qu’il ne perde de sa valeur. On réduit ce risque en adoptant une stratégie opposée. Puisqu’on ne souhaite pas se départir de l’actif, on doit le faire en transigeant des produit dérivés, c’est-à-dire en faisant une vente à découvert, par exemple. Les produits dérivés permettent de réduire le risque mais de façon entière ou partielle et de manière plus ou moins temporaire. Quand la stratégie fonctionne, à mesure que la valeur de l’actif baisse (comme on le craignait au départ), la valeur de la transaction de couverture augmente, ce qui compense les pertes sur l’actif.
    Dans le cas de JP Morgan, la stratégie adoptée n’était pas adéquate. Je ne connais les détails précis de la transaction (JP Morgan n’a pas été très transparente à ce sujet). Mais il semble que le trader perdait à la fois sur l’actif et sur la transaction de protection (produits dérivés). Le trader aurait également tenté de se faire plus gros que le marché en adoptant de positions de plus en plus importantes (d’où son surnom de baleine) en espérant faire peur aux autres joueurs. Il s’est fait prendre à son propre jeu, on dirait….

  8. @Sébastien
    Il y a bien sûr des contreparties aux positions que prennent les « trader ». Il y en a qui perdent et d’autres qui gagnent. Dans le cas présent, le contrepoids de la perte des positions de Bruno Iksil était sans doute partagé entre plusieurs joueurs du marché. C’est un peu comme dans la fable où la grenouille (JP Morgan) veut se faire plus grosse que le boeuf (le marché). On sait comment ça se termine…

  9. JP Morgan Chase. Des enfants de cœur. Les génies pro géniteurs des CDS. Voyons-voir leur palmarès au-dessus de tout soupçon : ENRON, WORLDCOM, JEFFERSON COUNTY. NON RESPECT DE SEGREGATION DE COMPTES CLIENTS. Je m’y connais peut-être pas, mais par définition, une stratégie de couverture, tu n’es pas supposé de perdre d’argent ou du moins être en mesure de connaitre d’avance ta perte ou ton gain. Appelons ce monstre qui indubitablement devait avoir plusieurs pattes et plusieurs têtes, autre chose qu’une stratégie de couverture.
    Euh.. Je ne retiens pas mon souffle en attendant que la vénérable maison de MORGAN fasse acte de transparence totale. Même si et en dépit du fait que la SEC et la CFTC amorcent des enquêtes. SVP kkun, Monsieur VOLCKER, dépecez moi ce LEVIATHAN.

Les commentaires sont fermés.