Je l’avoue. J’ai déniché le sujet de ce billet en cliquant sur une liste d’articles « les plus populaires » du site The Economist.
Nous sommes nombreux à surfer sur le net de liste en liste. On cherche le meilleur film, le meilleur resto ou la meilleure chanson du moment. On veut connaître ce qui allume son voisin et bien sûr, gagner du temps…
Cet effet troupeau de moutons a certainement des conséquences sur notre façon de voir les choses.
Selon The Economist, les nouvelles technologies de communication jouent aussi un grand rôle dans le succès ou l’échec professionnel de plusieurs d’entre nous. Et malheureusement, le succès aurait souvent plus à voir avec la chance que le talent.
Le magazine cite Alan Krueger, un prof de Princeton et ancien conseiller économique de Barack Obama. Dans un récent discours, il affirme qu’il est de plus en plus difficile de distinguer le talent de la chance dans nos sociétés. Et ce sont ces personnes qui s’enrichissent le plus alors qu’une vaste majorité lutte pour se maintenir à flot.
La meilleure musique, la plus populaire?
L’économiste donne en exemple l’industrie de la musique populaire. Avant l’avènement du disque et d’Internet, un musicien ne pouvait espérer rejoindre un plus grand public que celui devant lui. Aujourd’hui, la qualité des enregistrements et l’accès instantané à de la musique sur le net permettent aux meilleurs de se faire connaître et de gagner une fortune.
Mais est-ce vraiment les meilleurs ou simplement les plus chanceux qui percent, questionne M. Krueger. Des recherches démontrent qu’on sera plus enclin à télécharger une chanson si elle est au sommet du palmarès que si elle n’est pas populaire. Vous me direz tout bonnement, mais c’est parce que c’est la meilleure chanson. Peut-être pas.
Deux sociologues ont mené une expérience en 2008 (Matt Salganik et Duncan Watts) qui leur a démontré que peu importe si la chanson était bonne ou mauvaise, les gens téléchargeaient la chanson au sommet de la liste des plus populaires.
Ils ont fait ce constat après avoir inversé à l’insu des internautes des palmarès de chansons en ligne. Notre perception guiderait donc nos choix plutôt que nos goûts… Déprimant, non?
Marché du travail : même constat
Cette pensée de troupeau serait également observable dans le marché du travail, ajoute M. Krueger. Des chercheurs des universités Mc Gill, de Toronto et de Chicago ont testé cette théorie en envoyant plus de 12 000 CV en ligne en lien avec 3 000 offres d’emploi dans le secteur de l’administration, de la vente et du service à la clientèle.
Tous les candidats avaient un profil académique et professionnel semblable pour un même emploi. La seule chose qui changeait : la période sans emploi, qui jouait entre quelques semaines et 36 mois. Ils ont découvert que les chances qu’un postulant se fasse appeler diminuaient grandement, plus le temps sans emploi augmentait.
Cette recherche constate ainsi que les gens, même qualifiés, mais qui par un hasard malheureux se retrouvent sans emploi pour une longue période, verront leurs chances d’en trouver un nouveau s’évanouir rapidement.
Connaissant le contexte économique difficile de plusieurs pays présentement, la nouvelle n’a rien de réjouissant.
On peut penser, souligne The Economist, que l’inverse est aussi vrai. Un étudiant qui sort de l’université en plein boom économique se dénichera un bon emploi en peu de temps. Il gravira les échelons et entrera dans un cercle vertueux d’employabilité, ce qui n’est pas le lot des jeunes aujourd’hui.
La chance, ce n’est pas tout…
Heureusement, rien n’est tout à fait noir, ni tout à fait blanc. La chance explique peut-être une certaine inégalité dans nos sociétés, toutefois la très bonne chanson qui aura été boudée « par mégarde » regagnera à la longue le sommet du palmarès, une fois qu’on l’aura vraiment écouté, rappelle The Economist.
De même, la corrélation observée entre le niveau de scolarité (les compétences) des travailleurs et le salaire demeure forte. Ce qui n’exclut pas l’aspect chance, bien sûr…
Croyez-vous que la chance joue un grand rôle dans le succès professionnel en 2013? Les listes de popularité guident-elles vos choix de consommation?